St-Rémy s/Bussy-3 ----- 122e R.I. ----- 21e Cie - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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St-Rémy s/Bussy-3 ----- 122e R.I. ----- 21e Cie

1915 > Préparation en Champagne (Av.-Sept. 1915)

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- Jeudi 22 juillet 1915 -


Nous devons faire une marche ce matin. A 3 h, on nous annonce que ce n'est pas la marche prévue que nous allons faire, mais partir d'ici. Grand émoi, et commentaires divers tous plus invraisemblables les uns que les autres. Nous allons à St Rémy, notre premier port d'attache : tout le monde en est assez content. Je célèbre la Ste Messe à 4 h ½. Puis départ à 6 h. Température très chaude. Le sac me meurtrit les épaules. Heureusement que nous n'avons que 11 km à franchir, mais ils paraissent bien longs. Nous passons par la Croix-en-Champagne. Arrivée à 10 h. Nous occupons tant bien que mal les anciens cantonnements qui sont hélas ! dans un bien mauvais état. Il faut tout remettre en ordre. Chacun y met du sien et nous arrivons tout de même à nous installer assez convenablement.

- Vendredi 23 juillet 1915 -


Continuation des travaux d'aménagement. Le soir, bénédiction du St Sacrement à laquelle assistent de nombreux camarades. Ils sont heureux de retrouver ici une coquette église, que plusieurs connaissent déjà.

- Samedi 24 juillet 1915 -


Je ne puis pas célébrer la Ste Messe faute de servant. C'est la 2e fois que ça m'arrive. C'est une trop grande privation pour qu'à l'avenir je ne prenne des mesures rigoureuses pour m'assurer un servant de messe régulier.
Les exercices fatigants de la matinée près de la ferme du Vieux Bellay ne m'ont pas permis de rester à jeun pour pouvoir dire la Ste Messe au retour.
Le soir, travaux de propreté, puis à 19 h 30, confessions jusqu'à 20 h 30. L'œuvre de Dieu se poursuit toujours. De pauvres âmes qui n'ont pas fait leur devoir pascal, ou même ne se sont pas confessées depuis plus d'une année, viennent se réconcilier avec le Bon Dieu. C'est bien consolant de contribuer un peu à ces retours. Je m'applique à donner à chacun quelques conseils pratiques, et à leur inspirer une vie plus fervente, plus unie à Dieu. On trouve parmi nous de si belles âmes qui arriveraient si aisément à la perfection chrétienne ! Je sens bien hélas ! que la pratique des âmes me fait défaut. Heureusement Dieu y supplée et malgré tout, ces âmes s'en reviennent avec toute la joie du pardon.

- Dimanche 25 juillet 1915 -


Nous allons assister de nouveau à une de ces messes de St Rémy qui ne manquent point de charme. A 5 h je dis la Ste Messe. Une quarantaine de communions, c'est superbe !
Puis déjeuner avec quelques compatriotes. Grand-messe à 10 h, piètrement chantée. Vêpres à 2 h. Eglise comble à la messe, mais à demi-pleine seulement à vêpres.
Après les vêpres, enterrement de 4 pauvres soldats, décédés depuis hier à l'ambulance chirurgicale. Sur l'une des croix précédant chaque cercueil, j'ai la stupéfaction de voir écrit le nom d'un ancien camarade du peloton, Alexis David. Pauvre garçon, comme cela me fait de la peine ! Donc ici, on enterre chacun des morts dans un cercueil, c'est plus humain. Tout se fait d'ailleurs très décemment. Un piquet d'honneur fait la haie près des cercueils.
Dans la soirée, visite à l'ambulance où je cause longuement avec le camarade Azéma, récemment trépané et en bonne voie de guérison ; je vois aussi Aubert et Bessette. Que de misères et de souffrances supportées avec calme, dans ces vastes salles où tout est silencieux et propre ! On emporte de ces visites une impression vague - pas déprimante - mais plutôt excitant toute l'ardeur patriotique. Ils font tant souffrir nos pauvres soldats, ces bandits ! Que Dieu pardonne à ceux qui ont la responsabilité de ces crimes, mais que du moins Il écrase leur orgueil et jette à bas leur puissance !

- Lundi 26 juillet 1915 -


Ste Messe à 4 h ½ . Exercice de 5 h ¼ à 9 h ½ , vers la ferme du Vieux Bellay. Toujours la même chose ! Que Dieu me donne de la patience !
Le soir à 7 h ½ , prière publique à l'église ; nombreuse assistance de nos bons soldats. Je donne moi-même la bénédiction du St Sacrement, et comme je me plais de faire bénir par Jésus Hostie cette belle fleur de nos armées !

- Mardi 27 juillet 1915 -


Dans l'ensemble, même journée que celle d'hier. A signaler la visite très agréable de l'ami Privat, sous-lieutenant, que je vois pour la 1 ère fois avec sa croix de guerre. Dans ma visite au cimetière, je remarque avec stupéfaction qu'une des croix porte le nom de l'oncle de M. Foucras (Douziech Charles). Pauvre père de famille ! J'envoie à mon ami mes plus sincères condoléances, et prie pour l'âme de ce cher soldat mort au champ d'honneur.


- Mercredi 28 juillet 1915 -


Marche militaire. Départ à 3 h ½ seulement, ce qui me permet de dire la Ste Messe à 2 h ½ . Itinéraire : Tilloy - (la Grande) Romanie - La Cheppe - Bussy - St Rémy. Température excellente, aussi peu de fatigue malgré les 24 km. Après-midi consacré à un demi-repos. Notre adjudant Cogoluègnes (Jean, Antoine) apprend la mort d'un de ses frères (Aimé, Jules, Urbain). Je compatis à sa souffrance. Nous décidons de célébrer une messe en son honneur, à laquelle la Compagnie au moins assistera.


- Jeudi 29 juillet 1915 -


Un camarade malheureux qui a perdu un de ses frères, mort à Chalon des suites de ses blessures, me prie de dire une messe pour le repos de son âme. J'accepte bien volontiers et me mets absolument à sa disposition pour le choix de l'heure, fixée à 9 h ½, au retour de l'exercice pour que tout le monde soit libre pour y assister.
Pas trop de fatigue pour moi. Nous chantons la messe assez bien ; belle assistance.

- Vendredi 30 juillet 1915 -


La cérémonie de la veille est renouvelée aujourd'hui pour notre adjudant. Assistance un peu plus nombreuse, chants mieux prévus et mieux exécutés. Tout le monde parait touché, et au fond je crois qu'il en ressort pour tous un peu de bien. Dieu en soit béni !

Note du Webmestre : cet adjudant mourra à Thiaumont, près de Verdun, le 4 août 1916.

- Samedi 31 juillet 1915 -


Rien à signaler. Le soir j'entends quelques confessions, mais elles sont plus rares que le samedi précédent, malgré la présence de plusieurs milliers d'hommes dans notre village. Mais ces coloniaux arrivés depuis quelques jours ne sont pas des plus fervents. Et pourtant ce ne sont plus les durs à cuire de jadis.

- Dimanche 1 er août 1915 -


Messe à 5 h où beaucoup communient. Puis matinée consacrée à mettre un peu d'ordre à quelques affaires. Grand-messe à 10 h. Eglise archicomble. Assez inspiré, M. le Curé nous rappelle ce que tout le monde sait bien : que c'est l'anniversaire du décret de mobilisation. Il nous montre en un coup d'œil rapide, tout ce qui s'est fait depuis lors, tous nos sacrifices, la sauvagerie de nos ennemis, et insiste surtout sur nos raisons d'espérer toujours en la victoire, qui peut-être est proche. L'assistance l'écoute, non sans une certaine émotion. Il fait du bien à quelques-uns. Deo gratias.
Chants de la messe Royale assez bien exécutés. Vêpres à 14 h. Point d'enterrement. Soirée comme à l'ordinaire. Pour ce matin, j'ai oublié de signaler l'enterrement d'un lieutenant du 142 e, juif d'origine et de religion. Le rabbin a présidé à la cérémonie. Prières hébraïques, traduites souvent en français par les soins du rabbin.


Photo, datée du 2 août 1915.

- Lundi 2 août 1915 -


Répétition des journées du 29 et du 30 pour le repos de l'âme du frère d'un soldat de la C nie : Casse. J'espère que cela fera du bien à son âme aussi bien qu'à celle de son frère.
Rien à signaler pour la soirée, sauf l'enterrement de deux soldats. J'assiste à la cérémonie, simple mais fort décente. Mais on s'aperçoit combien, en ces temps de calamités, on s'habitue à voir, presque sans y prendre garde, des spectacles très impressionnants pour ceux qui les voient de loin : l'enterrement de ces petits soldats, grands héros. A peine quelques gamins, en dehors des hommes de service et du prêtre, accompagnent ces braves à leur dernière demeure. Je me promets d'y aller moi-même le plus souvent possible. Je suis vivement impressionné dans ces cérémonies, en voyant ces chères dépouilles, de penser aux pauvres mères, à tous les êtres chers qui vivent là-bas dans l'angoisse et qui sous peu verseront des larmes sur le cher mort. En même temps que je demande à Dieu le repos de son âme, je demande la force d'âme nécessaire aux familles pour supporter de si rudes épreuves.

- Mardi 3 août 1915 -


Rien à signaler d'important, sauf que nous organisons à l'église un petit groupe de bons chanteurs qui nous exercerons tous les soirs à chanter convenablement. L'ami Cros tient l'harmonium, et son concours nous est très précieux.

- Mercredi 4 août 1915 -



Douches à Somme-Tourbe : on doit partir à 5 h. Je dis la Ste Messe à 4 h 15. Rien à signaler de cette visite à Somme-Tourbe, que les Boches ont détruite de fond en comble, et où ils tirent encore de temps en temps. Repos dans la soirée, employé à la lecture chez le s/ lieutenant Cros.

- Jeudi 5 août 1915 -


Rien à noter, sauf que par suite d'une trop grande rigueur de service, et sans raison apparente, quelques contrariétés me causent du chagrin et me portent à murmurer. Je perds ainsi beaucoup de mérites que je pourrais acquérir, avec un peu plus de résignation. L'exemple du Père de Gironde (?), dont je lis la vie, me donne un peu de réconfort.


- Vendredi 6 août 1915 -


Journée fatigante sans grand relief.


- Samedi 7 août 1915 -


Marche militaire. Départ 3 h ½ . Messe à 2 h ½, suivie par Bernard. La Croix-en-Champagne, route de Somme-Suippe à Auve, Auve, le Vieux Bellay, St-Rémy. Repos l'après-midi. Le soir, confessions comme à l'ordinaire.

- Dimanche 8 août 1915 -


Messe de communion à 5 h. Au moins 50 communiants. Grand-messe à 10 h, bien chantée. Vêpres à 14 h, à l'issue desquelles enterrement de 4 soldats, dont un était encore parmi nous, voilà une vingtaine de jours ( Delbès ).

- Lundi 9 août 1915 -


Rien à noter. Toujours même genre d'exercices assommants. Je désire de plus en plus aller faire mon devoir plus loin, car je sens combien c'est déprimant cette vie, surtout à cause de mon tempérament irascible et méticuleux. Aussi le bruit qui court de notre prochain départ ne m'ennuie pas le moins du monde.

- Mardi 10 août 1915 -


Ca y est. On vient nous appeler en toute hâte à l'exercice. Il faut partir, nous dit-on. C'est 9 h. A 10 h, il faut que tout le monde soit prêt. On l'est en effet à l'heure exacte. Mais voilà qu'on nous conduit dans un champ avec tout le fourniment, et là on procède à une fouille en règle de chacun de nous. On a volé, paraît-il, 5000 francs à une réfugiée du village. On va de nouveau s'installer. On nous annonce la marche de demain. Elle sera très longue.



Suite du récit :  Aux tranchées de 2e ligne.



 
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