Repos à Seigneulles - Dissolution du 322e R.I. - Affectation au 96e R.I.- Repos à Vignotte-sur-Aire - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Repos à Seigneulles - Dissolution du 322e R.I. - Affectation au 96e R.I.- Repos à Vignotte-sur-Aire

1916 > Au front à Verdun

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- Mercredi 16 août 1916 -

La 32e Division arrive pour monter à Verdun. Nuit calme et reposante. Sainte-Messe au pied d’un arbre.

Vers 12 h, en voiture et roulez autos ! … Nous passons par Lemmes, Souilly, Heippes, etc… et arrivons vers 15 h à
Seigneulles où nous devons prendre notre repos (Nota : 42 km au sud de Verdun). En route, nous avions rencontré quelques autres régiments qui allaient vers Verdun (Nota : la route suivie est la fameuse « Voie sacrée », nommée ainsi en 1923 par Maurice Barrès.).

Cantonnement à Seigneulles.

Bon cantonnement. Petit village. Beau paysage. Les gens sont surtout des cultivateurs. Plateaux et plaines fertiles en céréales.
Le soir à 5 h, salut à l’église. Celle-ci est assez modeste, mais bien tenue. M. le Curé, un bon vieux de 70 ans aux cheveux blancs, mais alerte tout de même, nous fait les honneurs de son presbytère, de sa sacristie et de son église. Il met tout à notre disposition, mais avec des détails plutôt insignifiants et superflus. Bonne petite assistance à notre premier salut. Nuit tranquille.


- Jeudi 17 août 1916 -

Journée consacrée à l'installation et au repos surtout, on n'a guère de goût à faire quoi que ce soit.
Ste-Messe à 5 h 30. Rien de spécial à noter pour le reste de la journée sauf la visite de M. l'Aumônier de brigade et de M. Labadie. Ils m'annoncent l'arrivée au 122 e de mon confrère et ami M. l'abbé Estivals ( Gabriel ) comme brancardier au 3e  Bataillon.
Nous invitons M. l'Aumônier à revenir demain au service funèbre que nous organisons à l'invitation de notre colonel pour tous nos camarades morts. Salut à la même heure.

- Vendredi 18 août 1916 -

Ste-Messe à 7 h. Plusieurs communions. A 9 h, messe solennelle de Requiem dite par M. Tersy. Eglise archi comble. Chants bien exécutés. M. l'Aumônier prend la parole et, en vérité, se distingue : l'émotion est peinte sur tous les visages. Il a un mot bien délicat à l'adresse de nos 2 confrères tombés à Verdun, MM. Foucras et Ditte. En un mot tout se passe fort bien.
Rien à noter pour le reste de la journée.


Lettre de Eugénie à son frère Ernest.

Toulouse le 18 août 1916

Mon cher frère,


Je ne sais assez te remercier de la carte que j'ai reçue hier datée du 10. Depuis quelques jours je ne vivais plus de te savoir si exposé, ta carte tout en ne m'apprenant pas la relève me fait croire qu'elle aura peut-être bientôt lieu ; pourvu qu'elle soit assez tôt pour t'empêcher de tomber. Combien j'aurais été heureuse pour toi que tu m'annonces un bras cassé, plutôt qu'une simple foulure. Tout de même, mon pauvre Ernest, tu as dû avoir bien peur - peur ce n'est pas le mot - car vous vivez tellement au milieu du danger que vous ne faites plus cas de la peur. Enfin tout de même, le moment a dû être terrible quand tu as vu tout bouleversé autour de toi. Quand j'ai reçu ta carte j'avais Firmin (
Douziech ) avec moi. Le pauvre diable a voulu me porter un peu de pommes de terre et haricots en même temps que des nouvelles de toute la famille qu'il avait vue mardi 15 août. Baptiste étant arrivé lundi, toute sa famille et la famille Douziech ont donc dîné avec la pauvre Maman qui ne cesse de pleurer sur ton sort, sachant la mort de ton pauvre ami l'abbé Foucras. Pauvre Maman, j'aurais bien plaisir d'aller la voir mais l'année est si mauvaise pour tout le monde. Et puis j'ai toujours l'espoir que Louis ( Fournil )arrivera, car voilà près de 8 mois qu'il n'est pas venu, depuis le 4 janvier, quoi. Pour le moment son secteur est assez calme, mais ils ont eu un peu de tout eux aussi : gaz lacrymogènes pour pleurer, obus incendiaires, toute l'horreur de la mitraille.
J'allais oublier le principal, en même temps que ta carte, je recevais la lettre que tu avais envoyée à Marie. Laisse-moi te féliciter pour la citation à l'ordre du jour qui nous prouve un peu plus ton courage et le danger encouru. ... Adieu, mon cher frère, sois prudent malgré ton dévouement.
Reçois les meilleurs baisers de ta sœur et de tes petites nièces.

Eugénie.



- Samedi 19 août 1916 -

Ste-Messe à 6 h 30. Je change de bataillon et rejoins à nouveau le 5 e , mon ancien Bataillon abandonné au mois de février et où je ne retrouve pas, hélas ! mes meilleurs amis. Je ne puis cependant faire aucune objection à ce changement, dès lors qu'il a lieu pour faciliter aux âmes les secours de notre Ste Religion.
Visite à M. le commandant Escarguel, avec lequel je règle quelques questions ayant trait à mon ministère.
Au salut le soir, nous invitons nos chers soldats à venir communier nombreux à la messe de demain. Cela leur tiendra lieu de la Ste-Communion que beaucoup auraient faite le 15 août, etc...

- Dimanche 20 août 1916 -

Un grand nombre répondent à notre appel, se confessent et communient à la messe de 7 h dite par

M. Tersy. Je dis moi-même la grand-messe militaire de 9 h. Eglise comble : beaux chants et violon. C'est très beau ! et très pieux !
A 13 h, visite à M. le Curé qui fort aimablement nous offre quelques boissons et un cigare. Vêpres paroissiales à 14 h. Bonne petite assistance. Le soir, à 17 h 30, petites vêpres et salut pour nos soldats. Bonne assistance.

- Lundi 21 août 1916 -

Rien de spécial à noter. On murmure que le 322 e  va être dissous, mais on n'attache aucune importance à ce bruit.
Ste-Messe à 6 h. Occupations diverses
. Le général Joffre visite 3 régiments de notre division : 81e, 96e  et 122e  et distribue des décorations.

- Mardi 22 août 1916 -

Ste-Messe à 6 h. Dans la matinée, vers 10 h, je reçois la visite de M. l'Aumônier de brigade et de mon ami l'abbé Estivals. Nous passons ensemble le restant de la journée. Quel plaisir de pouvoir causer du pays et de mille choses qui nous intéressent particulièrement tous deux. Séparation vers 16 h. Salut à 18 h 30.

- Mercredi 23 août 1916 -

Ste-Messe à 6 h. Au retour, nouvelle stupéfiante : le 322e  est dissous. Commentaires divers, mais plus ou moins sérieux. Toujours est-il que cela ne fait plus, semble-t-il, l'ombre d'un doute. Aussi tout le monde est-il dans la consternation : cela dérange vraiment tous les plans. On pensait être un peu plus tranquilles et voilà qu'au contraire tout est bouleversé.
Réunion habituelle le soir.

- Jeudi 24 août 1916 -

Rien de spécial à noter. M. l'Aumônier nous fait dire qu'il n'y a pas de place de brancardier disponible au 122e  , donc je ne vais pas demander d'y aller. Restent seulement le 96e  et le 81e.


- Vendredi 25 août 1916 -

Nous décidons d'organiser un service solennel dimanche pour le repos de l'âme de nos chers confrères Ditte et Foucras du 5 e  Bataillon. C'est bien le moins que nous puissions faire pour ces pauvres amis. Chemin de croix le soir.

- Samedi 26 août 1916 -

Pas de détermination au sujet de notre nouvelle affectation. Le médecin-chef nous réunit pour nous faire ses adieux. Il nous promet sa protection dans la mesure du possible ; il nous dit surtout sa satisfaction pour la façon dont nous avons fait notre service à Verdun, aucun reproche, au contraire, que des louanges. Il aurait voulu obtenir une citation pour tout le corps médical, mais cela n'a pas été possible. Il compte lui-même aller au 96e  car les 2 chefs de bataillon y sont affectés.
Visite du général Cadoudal dans la soirée : il donne une affectation aux officiers, en "huis clos".

Le soir, exercice habituel, confession, répétition de chant pour la messe de Requiem.

- Dimanche 27 août 1916 -

Nombreuses confessions et communions à la messe du matin. Plusieurs la font pour nos chers abbés. A 9 h, messe solennelle. Eglise comble, officiers et service médical au 1 er rang. Belle musique à l'offertoire et à la consécration. M. le médecin-chef tient l'harmonium et M. Veri, lieutenant, joue du violon ; c'est fort beau et fort pieux. Le chant de l'absoute laisse à désirer, manque d'ensemble par suite de manque de similitude des divers livres de chant.
A 2 h, vêpres paroissiales, M. le Curé me fait l'honneur de pontifier : bonne assistance civile. A 16 h, concert. A 18 h 30, vêpres pour les soldats.
M. le médecin-chef veut bien me prendre sous sa protection, si je veux le suivre au 96e . J'accepte avec reconnaissance. Le colonel nous adresse ses remerciements pour tout ce que nous avons fait (Tersy et moi).

- Lundi 28 août 1916 -

Grande nouvelle dans la journée : la Roumanie a déclaré la guerre à l'Autriche. Enfin ! Il n'en fallait pas tant pour soulever l'enthousiasme parmi les soldats. Vraiment cela fait plaisir, car on sent bien que cet événement peut avoir des conséquences sérieuses sur l'issue de la guerre. Rendons donc grâce à Dieu.

- Mardi 29 août 1916 -

Ste-Messe à 6 h. A 9 h, rassemblement du service médical. M. le médecin-chef se rend compte des désirs de chacun d'entre nous, pour pourvoir, dans la mesure du possible, à l'affectation de chacun dans le régiment demandé. Il m'annonce qu'il a une place pour moi au 96e  : merci.
Il nous laisse un petit timbre souvenir que je colle en dessous pour bien marquer la fin de notre cher 322e.
Don de M. Dyfre, médecin-chef, en souvenir. "1915 - Pas de paix durable sans victoire complète.   322 e R t d'Inf rie "



En août 1916, une rumeur persistante circule en Aveyron : l'abbé Ernest OLIVIÉ a été tué à Verdun. Les deux lettres suivantes parlent de cette rumeur.

Lettre de M. BELMON de Rodez à Ernest OLIVIÉ

 + Rodez le 28 août 1916               Bien cher ami,


Votre dernière lettre est venue à point pour calmer une émotion persistante à votre sujet. Vous n’ignorez plus sans doute aujourd’hui que vous êtes resté mort pendant 8 jours dans l’opinion publique ; vos parents ont dû l’apprendre et en être très troublés. La nouvelle venait du front, et de plusieurs sources, disait-on ; aussi nous en avons tous parlé à l’occasion. Vous êtes ressuscité un beau jour pour la consolation de tous, mais vous demeuriez assez sérieusement blessé. On m’a nommé l’hôpital où vous étiez soigné ; je ne l’ai pas retenu. Enfin ¼ d’heure avant que j’aie reçu votre dernière lettre, on m’a affirmé de très bonne source que vous étiez prisonnier. J’aurai au moins de quoi répondre maintenant.
 Nous recueillons avec un pieux intérêt tout ce que vous nous dites de M. Foucras. J’avais appris en effet que vous n’aviez pu prendre soin de sa dépouille ; pour cela apparaît comme secondaire et nous nous en consolons plus vite que d’autres. Son père en était très frappé l’autre jour quand je le lui ai dit. Il est venu recueillir ce que je détenais du cher défunt ; leur affliction est très grande évidemment, mais aussi chez eux l’esprit de foi dépasse tout le reste, comme on peut aisément le croire quand on a connu le pauvre abbé. Malheureusement depuis sa mort ils n’ont plus entendu parler de son frère, et vous leur feriez bien plaisir si vous pouviez en savoir quelque chose (
Note du webmestre : voir les lettres de Marie Foucras à Ernest Olivié, datées du 2 octobre 1916 et 11 mars 1917).
 Vous avez appris aussi que M. Ditte le compagnon de M. Foucras a été tué peu après lui. Il avait été lui aussi chargé par le défunt de me prévenir en cas d’accident ; il le fit peu après vous, et m’avertit qu’il allait bientôt me faire parvenir tout ce qu’il pourrait recueillir de lui. Évidemment nous n’attendons plus rien.
 Je suis bien content d’apprendre que M. Estivals remplace M. Garibal. Ensemble vous ferez beaucoup de bien : que le Bon Dieu vous en donne le temps et la grâce. C’est un bien beau ministère que le vôtre ; nous sommes ici bien inutiles en comparaison. Dites à ce confrère mes bonnes amitiés.
 On m’a prié d’écrire quelques lignes sur M. Foucras dans le Bulletin de St-Christophe ; je vous ferai passer ce N°. D’ailleurs ce sera à peu près reproduit dans l’Echo du Clergé.
Dans nos hôpitaux, c’est le changement continuel et l’incertitude du lendemain. On met des femmes en très grand nombre dans nos services ; sans doute pour nous relever bientôt. De plus il est fortement question de rendre à leur destination tous les locaux scolaires, sauf le Grand Séminaire et l’Ecole  Normale. Tous les hôpitaux seraient transférés à l’ancien grand séminaire. A quoi le conseil municipal fait grande opposition.
 L’épreuve parait devoir durer longtemps encore ; il n’est pas au pouvoir des hommes de l’abréger, malgré tout ce qu’ils nous ont laissé espérer. Que Dieu ait enfin pitié de nous ; les morts plus encore que les vivants nous obtiendront la victoire et la paix.   
 Merci de tout ce que vous avez fait pour le cher abbé Foucras ; nous continuerons à prier pour lui. Ces Messieurs vous offrent leur bon souvenir et j’y ajoute l’assurance de mon affectueux dévouement en N.S.

Signé :  Belmon.



Lettre de la cousine Rosa à Ernest OLIVIÉ.

Aubin le 29/8/1916

Bien cher Ernest

Ta lettre nous a bien fait disparaître l'angoisse qui étreignait nos cœurs depuis quelques jours. Personne n'osait me le dire, mais je comprenais à leur manière, qu'il y avait du louche. Dimanche dernier enfin, M. le Curé du Gua disait en chaire la mort des prêtres tombés à Verdun et te nommait toi. La nouvelle s'est vite répandue à Aubin. Moi, ni aucune des nôtres, ne voulions le croire, ayant eu une lettre de toi le 12 qui était partie le 7. Et je savais aussi que le grand assaut avait eu lieu le 3 et le 4 août.
Puis M. l'abbé Garric avait écrit à sa cousine qui habite la maison de Louise qu'on veuille bien nous dire que si nous n'avions pas de tes nouvelles, que nous ne nous chagrinions pas, ton état n'était pas grave. Il ne s'en est pas tenu là ; deux ou trois jours après, il écrivait de même à M. le Curé qu'il veuille bien me prévenir. Le même jour il reçoit une lettre de l'abbé Malirat qui s'exprime ainsi : "nous avons la douleur encore d'ajouter à la liste déjà longue la mort de l'abbé Olivié, le parent de M. Marty et de la Vve Labro, nous n'attendons que l'officiel". Devant ces 2 lettres contradictoires, M. le Curé ne savait que croire, aussi a-t-il hésité à me le dire. Mais partant pour la retraite, il a voulu m'en faire part. Je n'oublierai jamais sa délicatesse ; il m'a fait lire les lettres qu'il avait reçues, mais qu'il ne le croyait pas. A son retour de la retraite, il m'a dit que ce n'était pas vrai, mais qu'au moins je prie beaucoup pour toi, etc, etc...
Moi alors je lui ai dit que tu nous avais écrit. Enfin une fois de plus je constate que Dieu t'a pris sous sa divine protection, car je sais bien des choses que tu ne nous racontes pas. Sois assuré que ton souvenir ne nous quitte jamais et que la prière nous unit
; la distance est vite franchie pour aller vers ceux que l'on aime.

Reçois de tante Denise et moi nos plus affectueux baisers.
Profite bien du repos qui t'est donné. La confiance renaît en voyant la Roumanie du côté des Alliés.      Ta cousine - Rosa Marty


- Mercredi 30 août 1916 -

Journée tranquille comme à l'ordinaire. On se prépare déjà au déménagement. Visite de M. Sahut, aumônier du 81e  et de M. Chocqueel du 122e. Mon confrère M. Tersy opte pour le 81e  parce qu'il y a une place d'aumônier-brancardier libre au 1er Bataillon. Quant à moi je suis décidé à passer au 96e  avec notre médecin-chef et notre commandant M. Escarguel.
La Roumanie déclare la guerre à l'Autriche.

- Jeudi 31 août 1916 -

Nous voici à la veille de notre séparation ; tout le monde est plus ou moins attristé ; il faut abandonner de bons camarades, des chefs excellents, sans savoir ce qu'on aura en échange ; c'est bien encore un sacrifice à offrir au Bon Dieu. Après avoir été séparés de nos amis morts, il faut encore se séparer des vivants.
Le soir, salut très solennel à l'église. M. Tersy fait les adieux à nos bons paroissiens et puis on se dit adieu. Beaucoup d'animation et d'exubérance dans les rues. On a voulu oublier un peu les chagrins et choquer avec les camarades. Le départ est fixé pour nous à 6 h 30 demain matin.

- Vendredi 1 er  septembre 1916 -


Affectation au 96 e Régiment,  5 e  Compagnie.

Ste-Messe à 5 h ; quelques communions. A 6 h, sac au dos et en avant ! En route, nous rencontrons le 122 e qui vient prendre notre place à Seigneulles. La plupart de nos brancardiers versés à ce régiment restent brancardiers ; c’est une grande chance pour eux !
Nous passons par Erize-la-Brûlée et un autre village où se trouve le 81 e, pays de vastes plateaux. Le pays doit être fertile, car les villages sont fort rapprochés. Nous arrivons à Villotte-devant-St-Mihiel vers 10 h. Le village a l’air important. (nota : le nom actuel est Villotte-sur-Aire ).


Cantonnement à Villotte-sur-Aire.

Aussitôt arrivés, nous sommes répartis dans les Compagnies. Je suis affecté à la 1 ère Compagnie comme brancardier, avec un autre ancien brancardier. Quant aux autres, ils sont provisoirement combattants. Nous sommes  plutôt mal reçus par les camarades brancardiers du 96 e qui ont peur d’être supplantés par nous.

Je fais la connaissance de M. l’Aumônier  brancardier du 1er Bataillon, M. Fontan, caporal. Il est du reste fort gentil et me reçoit avec empressement, du coup, l’œil des autres camarades devient moins mauvais. Je vois aussi M. l’abbé Couderc, prêtre du 3 e Bataillon. C’est un compatriote, aussi me reçoit-il bien et il voudrait même que je vienne à son Bataillon.
Du coup, je suis un peu moins chagrin, sans cependant être en joie, car toutes ces nouvelles figures qui ne me sourient plus tranchent trop avec celles que je viens d’abandonner.
Le soir à 6 h, concert. A 19 h, bénédiction du T.S. Sacrement à l’église. Ces messieurs les aumôniers rivalisent de zèle pour faire du bien à nos chers soldats. Je suis invité par eux à donner la bénédiction du St Sacrement. M. Ressiguier, prêtre de Carcassonne et combattant, tient magistralement l’harmonium. Grâce à mon protecteur, M. Fontan, je suis admis à coucher à l’infirmerie. Je suis très bien. Régulièrement, c’est à la Compagnie que je devrais coucher, car on y vit continuellement par groupe de 4.


- Samedi 2 septembre 1916 -

Ste Messe vers 6 h. Il est permis de se servir uniquement des chapelles portatives, car M. le Curé ne permet pas qu’on utilise quoi que ce soit de son église.
Pendant le jour, travaux divers et  distribution d’effets : on en donne sans compter à la 1 ère Compagnie. J’en avais bien besoin.
Je fais une visite à un petit cousin qui est à la 10 e Compagnie, Clément Olivié.
Le soir, salut comme d’habitude.

- Dimanche 3 septembre 1916 -

Ste Messe à 6 h, quelques communions. A 9 h, grand-messe militaire ; église comble, beaucoup d’officiers, le colonel du régiment est au 2 e rang ; chants bien exécutés. M. Couderc chante la messe et prêche : belle instruction qui se rapproche surtout de la conférence, fort intéressante de par ailleurs, mais avec des vérités un peu trop crues peut-être sur la morale de l’avant-guerre.
Après-midi passé en famille : 5 prêtres et 7 ou 8 séminaristes : c’est une bien belle famille même ! On lit les journaux à l’ombre, on devise, on s’amuse, on essaye d’organiser un petit repas de famille pour demain soir. A 19 h petites vêpres : très bonne assistance. On parle de départ pour mercredi vers Vauquois-en-Argonne.

- Lundi 4 septembre 1916 -

Sainte-Messe à l’heure habituelle. Temps pluvieux. Violente canonnade entendue du côté de Verdun. Premier succès des Roumains sur les Turco-bulgares. La Grèce se laisse intimider par les 30 navires alliés postés en face du Pirée. Aucun autre événement important.


- Mardi 5 septembre 1916 -

Préparatifs de départ. Je suis sur le point de passer au 2 e Bataillon où le commandant Escarguel veut m’avoir à tout prix. J’y suis résigné d’avance. Plusieurs communions le matin et des confessions le soir. Pas d’heure fixée pour le départ.



Suite du récit :  forêt d'Argonne #1.

 
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