Gouhenans (Hte-Saône) du 7 au 28 septembre 1917. 96e R.I. - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Jeudi 6 et vendredi 7 septembre 1917 ( suite ).

A 8 h 30, en route vers Bar-le-Duc. Nous allons en Alsace, dans la Haute-Saône m'a dit à l'oreille le capitaine.
Fort mal installés dans nos wagons à bestiaux, nous croisons un train d'Américains arrivant au front : ils sont dans un vrai train de voyageurs, il est vrai qu'ils voyagent depuis un mois. Très aimables, ils nous saluent au passage.
Arrivée à Ligny à 11 h. Je remarque : Laneuville-Saint-Joire, Goudrecourt encore dans la Meuse (toutes ces villes sont sur la rivière Ornain). Nous passons ensuite dans les Vosges, à 15 h à Sionne-Midrevaux... à Neufchâteau à 16 h. Beaux paysages dans ces Vosges.

A Mirecourt (18 h), nous sommes rattrapés pendant la halte-repas de ¾ d'heure- par le train du 2 e génie qui nous suivait de près. Je passe quelques bonnes minutes avec l'abbé Rouvier, séminariste à Rodez.
Quand nous passons à Epinal, c'est la nuit. Vers 24 h nous débarquons à une petite station qui n'a pas de nom, étant créée depuis la guerre seulement, un peu avant l'arrivée à Lure (au centre d’un triangle Luxeuil – Vesoul – Belfort)-.
On nous allège du sac qui nous précède en auto au cantonnement. Nous traversons Lure endormi. Nous marchons très longtemps, semble-t-il, dans un pays qui semble désert. Au petit jour, harassés et accablés de sommeil, nous arrivons à un village assez important où nous devons cantonner. C'est Gouhenans (au sud, entre Lure et Villersexel).
Bien logés, bien accueillis des habitants. Je puis dire la Sainte Messe à 7 h 30. Pas de curé. Repos toute la journée.

- Samedi 8 septembre 1917 -

Installation. Exercice du soir à 20 h : petite affluence, population peu religieuse, mais aussi occupée surtout aux travaux des champs, et pas assez libre par conséquent.

*** FIN DU CARNET N° 11 ***

- Dimanche 9 septembre 1917 -

Je dis ma messe à 7 h ; l'abbé Ressiguier dira celle de 9 h 30. A 8 h 30, messe pour la paroisse dite par un curé voisin chargé du service ici : pas bien nombreux les assistants de cette messe.
On sent bien qu'ici aussi la religion tend à disparaître. Ils ont l'air bien bons pourtant ces braves Alsaciens, aux traits énergiques et fortement tirés ; ils paraissent encore bien attachés aux mœurs de leurs aïeux, à tel point que la routine paraît ici en honneur autant que dans notre Plateau Central. Plus de luxe dans les maisons comme en Champagne et dans la Meuse ; une grande propreté cependant à l'intérieur des maisons, mais les rues sont très sales. Le village est habité en partie par des cultivateurs et en partie par des ouvriers d'usine : verreries et salines.
A 9 h 30, messe militaire : petite assistance. Le bataillon est réduit à sa plus simple expression. Le commandant au 1er rang, bel exemple.

- Mercredi 12 septembre 1917 -

M. l'abbé Sahut passe à Gouhenans, mais je ne le vois pas. Je l'aurais voulu pourtant, car je l'ai invité à venir dimanche présider notre service funèbre et je n'ai pas de réponse de lui. J'apprends le soir qu'il a aussi promis à M. l'abbé Couderc pour 9 h 30 et qu'il se propose de venir ici à 11 h. Cela ne me convient pas et il est décidé, avec M. le commandant, que j'irai moi-même trouver M. Sahut pour bien fixer cette question-là.

- Jeudi 13 septembre 1917 -

Dans l'après-midi, je vais à Borey à bicyclette avec Nestor (?), gentil petit séminariste. Bonne promenade. Ai rencontré plusieurs connaissances. M. Sahut va venir à Gouhenans à 9h30, mais je dois prévenir M. Couderc.

- Vendredi 14 septembre 1917 -

Rien de spécial à noter. Je vais faire une visite à M. le Curé d'Athesans, à 4 km.

- Samedi 15 septembre 1917 -

M. l'abbé Ressiguier obtient la permission de la journée pour travailler avec moi à la construction d'un catafalque. Nous le voulons faire très beau ; pour cela nous recrutons tous les pots de fleurs que nous voyons aux fenêtres. L'église possède un riche assortiment de candélabres. Avec tout cela, nous réussissons à faire quelque chose d'à peu près bien, de très bien même, nous assure-t-on.

- + Dimanche 16 septembre 1917 -

Dès 9h, M. Sahut est parmi nous. Notre grand-messe ne commence guère qu'à 10 h moins le quart. Bonne assistance, presque exclusivement composée de soldats, mais l'église n'est pas pleine. Le bataillon est si réduit ! Tous les officiers y assistent. Tout est parfaitement bien réussi : musique et chant ; le luminaire rate en partie. Après l'élévation, "Pie Jesus" de Massenet : très beau. M. l'abbé Sahut fait son sermon après la messe, avant l'absoute qu'il donne lui-même. En somme, touchante et belle cérémonie qui ne peut que laisser douce impression, même aux indifférents qui y assistent.
Pas de vêpres aujourd'hui, car il y a une séance récréative à 15 h au Château. J'y assiste : c'est convenable dans l'ensemble. C'est dans tous les cas, très fin, très spirituel. Notre bon commandant Escarguel est mis en relief d'une façon admirable dans la petite revue du bataillon, que notre médecin auxiliaire M. Leconte a composée avec un art parfait.
Le soir, peu de monde au salut de 19 h, l'heure ne parait pas bien favorable, les soldats aimant bien aller se promener tant qu'il fait jour.

- Lundi 17 au samedi 22 septembre 1917 -

Rien de spécial à noter, pas plus du reste que durant les jours suivants, jusqu'au samedi 22. Je passe presque toutes mes journées à l'ornementation de l'église. Je suis très heureux de pouvoir contribuer par-là à la beauté de nos offices, et par conséquent à procurer une plus grande gloire à Dieu. En outre, pendant ces derniers jours, j'ai composé une instruction pour la sanctification du dimanche. Elle m'a donné bien du mal mais, grâce à Dieu, je suis à peu près prêt !

- Dimanche 23 septembre 1917 -

Office comme à l'ordinaire. Assistance médiocre. Cela tient en partie à ce que le bataillon est très incomplet ; beaucoup sont détachés pour les travaux agricoles, ou pour la garde. Du moins, ceux qui assistent à la grand-messe sont bien recueillis et m'écoutent attentivement pendant mon petit sermon.
Après les vêpres, je me rends à Athesans où M. le Curé nous a invités à un petit goûter. Nous sommes bien 7 ou 8 prêtres réunis autour de sa table. Je le trouve fort aimable, ce bon vieux curé : il me charge de célébrer 2 messes à Gouhenans, à son intention et pour des gens du pays.

- Lundi 24 septembre 1917 -

Petite marche pour tout le bataillon. Je me suis fait dispenser, afin de pouvoir célébrer la messe à 7 h pour M. le Curé d'Athenans. Rien à noter pour le reste de la journée.

- Mardi 25 septembre 1917 -

Je suis obligé aujourd'hui de suivre le bataillon qui va passer une revue du colonel, sur un terrain situé près des Aynans. C'est une revue préparatoire à celle que doit passer le général Pétain qui doit venir nous confier la fourragère. C'est une rude matinée pour nous.

- Mercredi 26 septembre 1917 -

Je célèbre la Ste-Messe à 5 h du matin. Départ à 7 h pour la revue qui doit se passer au-delà des Aynans.
Le général Pétain passe à pied devant le 3e régiment d'Infanterie de la division et plusieurs groupes d'artillerie. La remise des décorations dure très longtemps : c'est excessivement fatigant. Puis le défilé commence, et nous allons nous ranger sur les bords de la route de Lure, où nous attendons bien pendant 1 h ½  (route D486, entre Lure et Villersexel). Le général confère avec nos officiers, puis en auto il passe très lentement sur la route en nous saluant. Puis on rentre enfin, sous un soleil de plomb, exténués.

- Jeudi 27 septembre 1917 -

Je vais sans doute être nommé caporal brancardier, en remplacement de Moïse Auriach, passé conducteur de la voiture médicale. J'en suis content, parce que j'espère de ce fait avoir plus facilement accès auprès de tout le bataillon.
De plus, je pars demain en perme ! C'est une grosse surprise pour moi. J'aurais préféré attendre un peu plus.

- Vendredi 28 septembre 1917 -

Au dernier instant, une note parait d'après laquelle je ne pars pas en permission : je ne partirai que demain, cela ne me gêne pas. Entre-temps, ma nomination de caporal parait à la décision : je vais donc partir avec les galons.
L'abbé Ressiguier, lui, part ce soir.

Suite : Septième permission.