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Mercredi 28 août 2002
Cabane dels Aigualluts (2060 m) à
Pic de Mulleres (3010 m) à
Hospital de Viella (1626 m)
Mise-à-jour juillet 2011.
En juillet Yves a refait une portion de la HRP « à
l’envers », du refuge de la Restanca jusqu’au
refuge du Portillon d’Oô. Voici quelques nouvelles fraîches :
- L’Hospitau de Vielha est
fermé durant l’été 2011. Loger un peu plus en aval, près de la grande
route, au refuge de Conangles : bon gîte, bon couvert et bon
accueil.
- Le
refuge non gardé de Molières ( Mulleres
) a été démonté le 14/07/2011. Il sera remonté « à une date
ultérieure … ».
- Comment ne pas se perdre par temps de
brouillard sur le plateau couvert de dalles et de trop nombreux
cairns, avant d’atteindre le col de Mulleres. :
aussi longtemps qu’il y a un sentier , le suivre.
On parvient ainsi jusqu’au dernier lac ( 2630 m).
On franchit ensuite un dernier ressaut qui conduit au plateau où l’on peut
se perdre. Dans ce ressaut, le ruisseau est issu de deux ruisselets. Ne
plus perdre de vue le ruisselet de gauche (Est) ; le suivre ;
quand ce ruisselet cesse, continuez à suivre le thalweg, et gardez la même
direction qui vous conduira aux abords du col de Mulleres.
Synthèse de l'étape.
Journée dure et difficile, car :
- l'étape est longue et le sentier malaisé : beaucoup de cailloux, pierriers, éboulis, …
- le brouillard en altitude empêche de prendre des repères visuels, d'où une erreur de parcours qui fait perdre 2h et qui donne quelques vraies frayeurs ;
- il y a l'altitude : le Pic de Mulleres, point culminant de la traversée avec 3010 m, est gravi avec les sacs sur le dos ;
- il y a la solitude : une seule rencontre dans la journée.
Dénivelé positif : 1105 m. Dénivelé négatif : 1525 m.
Récit de la journée.
Ce matin la pluie a cessé, mais les sommets sont couverts de nuages. Ce n'est pas le temps idéal pour traverser la chaîne de montagnes au Col de Mulleres (2928 m). Les deux vaillants compagnons décident de jouer quand même leur va-tout.
7h30. Quand ils quittent leur petit refuge de bon matin, le Plan des Aigualluts est encore désert. Ils sont pleins de courage pour escalader les cimes, mais rechignent à traverser une nouvelle fois la rivière pieds nus. En montant assez haut en amont du Plan, et moyennant quelques acrobaties, ils parviennent à franchir les divers cours d'eau sans quitter leurs chaussures. |
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On entre dans le Val de l'Escalette par un sentier pavé taillé dans la roche. |
La première partie du trajet s'effectue dans un vallon aux nombreux phénomènes karstiques. Gouffres et dolines témoignent de la présence d'eaux souterraines. Philippe, le spéléologue, est toujours en émoi quand il fréquente de tels lieux.
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Ici, l'érosion a sculpté la roche, formant un pont naturel qui enjambe la fissure.
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Plus haut, un étroit défilé marque la séparation franche entre le massif calcaire que l'on quitte, et le massif granitique dans lequel on entre. |
Du coup, la paysage change. Plusieurs lacs s'étalent dans les creux, le plus caractéristique étant le "lac étranglé", ou "bi-lac" (2320 m). |
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Vers 2450 m, c'est un monde minéral, sans vie apparente. Les nuages, qui cachent les sommets et glissent sur les flancs de montagne, accentuent cette sensation de solitude et de grande austérité. Le silence se fait pesant. On n'entend que le cliquetis des bâtons qui frappent les rochers en cadence.
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Les grandes dalles de granit inclinées, polies par les frottements des anciens glaciers, paraissent interminables dans la brume. |
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C'est dans ces parages qu'a lieu la rencontre avec trois jeunes Majorquins, 2 gars et une fille. Ils parcourent à l'envers cette étape de HRP. Moitié en français, moitié en espagnol, ils donnent des indications sur la voie à suivre pour trouver le col. Leurs explications détaillées vont se révéler inutiles, à cause de la surabondance de cairns. On dit parfois que "trop d'abondance nuit".
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Ce sera le cas ici. Yves, qui est devant, ne sait plus quelle voie suivre. Il y a des cairns un peu partout. À un moment donné, sous le pic, il aurait fallu dévier vers la gauche, et passer d'une orientation Sud à une direction Sud-est, ou même Est. |
Mais comme il ne voit pas le pic, Yves persiste trop longtemps dans la même direction, et les voilà sur un très large col, alors que celui qu'ils cherchent est une petite brèche au milieu d'une arête. Ils sont en fait au "col où il ne faut pas aller", selon les termes de Georges Véron, entre le Pic de Mulleres et le Pic de Salenques.
Yves et Philippe retournent sur leurs pas assez longuement, et quand ils sont au milieu des dalles, ils suivent un autre itinéraire "cairné", qui s'élève tout droit dans la face.
13 h. Yves, puis Philippe, arrivent soudain sur un sommet où se dresse un grand cairn bâti. En suivant l'arête sommitale, on trouve ensuite une croix et une boîte aux lettres. Cette arête, qui prolonge le sommet, est une arête Sud, alors que le col à franchir est sur l'arête Nord. Yves se sent envahi par une forte appréhension. Sont-ils vraiment sur le bon sommet, le Pic Mulleres, 3010 mètres d'altitude ?
C'est Philippe qui comprend la situation car, en montant, il a aperçu l'arête Nord. Ils sont bien sur le bon pic. Ils sont montés par l'arête Ouest, et le grand cairn matérialise la jonction entre les arêtes Nord et Ouest. Ouf ! Mais les deux hommes sont si bouleversés, et pressés par le temps, qu'ils n'ont pas idée de prendre des photos.
Il ne leur reste plus qu'à revenir au grand cairn et à descendre précautionneusement l'arête Nord, en surveillant sur la droite où doit se trouver la voie de descente. Mais ce côté-là est franchement à pic.
Le "col" est enfin trouvé. En fait, c'est une simple entaille dans l'arête, et son versant sud est quasiment vertical sur une dizaine de mètres. Cette difficulté se surmonte assez facilement, en technique de désescalade. |
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L'objectif était de passer le col avant midi, car les conditions météorologiques sont des plus médiocres, et que la descente est encore longue. Or il est déjà 13h45. Pendant 30 mn encore, nos vaillants montagnards vont descendre de raides éboulis avant de s'accorder, enfin, la pause repas.
Ils sont maintenant au soleil, mais les nuages sont toujours accrochés sur ce sommet qu'ils auront gravi sans l'avoir jamais vu !
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Un chapelet de lacs en enfilade garnit le fond de cette vallée qui possède un caractère aride.
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Au-dessus du dernier lac (2360 m), un abri métallique rouge est visible de fort loin. Les trois randonneurs de Majorque y ont passé la nuit, et ils ont dit que c'était bien. Mais Philippe et Yves n'ont pas envie de s'arrêter ici ; ils souhaitent descendre encore beaucoup plus bas, à la sortie sud du tunnel de Viella, pour bénéficier du gîte et du couvert à l'Hospital de Viella. Et ce, d'autant plus que les 3 jeunes gens ont dit que la patronne est une excellente cuisinière.
Le fond de vallée est ensoleillé. Même de loin, on aperçoit les abords du tunnel où de grands travaux sont en cours.
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Mais la fatigue est là. La descente jusqu'à 1625 m paraît longue, longue. Jusqu'au bout, le sentier reste des plus malaisés : éboulis, désescalade de rochers, zones marécageuses. Plusieurs fois, Yves se dit : "Aujourd'hui, rien ne nous aura été épargné !".
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À l'avant-dernière cascade, enfin une rencontre humaine, un berger gardant un immense troupeau de brebis. Mais il reste muet et ne pipe mot.
Notons-le maintenant, mais cela restera vrai tous les jours suivants : il y a de grandes quantités et de grandes variétés de champignons. C'est sans doute l'effet de ce bel été pourri qui sévit dans les Pyrénées. En bordure de torrent, ont poussé des amanites tue-mouches à la taille impressionnante.
18h30. Enfin, l'Hospice de Viella ! Les deux bonshommes sont exténués. Ils sont bien vite réconfortés par le bon accueil et par la perspective d'une douche chaude à durée illimitée.
À 20h30, dans une vraie salle de restaurant, ils savourent un dîner typiquement espagnol, avec un plat copieux de lapin. Et puis, sans trop s'attarder, ils vont se coucher dans le grand dortoir presque vide, contents d'avoir forcé le passage le plus difficile.
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Réalisation du site : Yves FOULQUIER.
Textes du récit :Yves FOULQUIER et Philippe POUSSOU.
Poèmes : Philippe POUSSOU.
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