Hospice de France (1370 m) à
Port de la Picade (2460 m) à
Cabane dels Aigualluts (2060 m)
Préambule.
Arrivés la veille au soir, Philippe et Yves ont dîné et dormi à la Demeure de Venasque (ou Soleil Pyrénées). Ils y laissent leur véhicule, car le directeur s'est très gentiment proposé pour les conduire quelques km plus haut, à leur point de départ, l'Hospice de France.
Pour rattraper la HRP, Yves connaît un bel itinéraire, différent de celui emprunté à l'aller. En effet, ce nouveau trajet longe la frontière sur la Crête des Crabides, offrant un panorama sur le Val d'Aran.
Hélas, le brouillard ôtera toute vision aux endroits les plus spectaculaires.
Synthèse de l'étape.
Pour commencer, une montée de 1100 m, "avalée" avec aisance, mais dans le brouillard. En début d'après-midi, voici à nouveau la HRP. Un abri sommaire est trouvé pour la nuit, juste avant qu'il ne pleuve, à proximité du gouffre Foraú dels Aigualluts, ou Trou du Toro.
Dénivelé positif : plus de 1100 m.
Récit de la journée.
À 8h, frais et dispos, Yves et Philippe se retrouvent comme deux mois plus tôt, sur le parking de l'Hospice de France. Les sacs sont beaucoup plus légers, et tout de suite, cela se ressent, car 350 m de dénivelé sont gravis durant la première heure.
Au début, on traverse une belle forêt de hêtres, puis on atteint l'étage des alpages de Campsaure, accueillis par un rayon de soleil. Dominant le Vallon de la Frêche sur la droite, on se dirige plein sud vers la crête frontalière, déjà enveloppée par les nuages. C'est ici, au Soum de l'Escalette et à la Crête des Crabides que la frontière se dirige soudain vers le nord, faisant en sorte que le Val d'Aran soit catalan et non pas français.
En fin de matinée, quelque part sur la frontière, le sentier passe près d'un cairn imposant. Sans en être certain, Yves pense que ce "monument" sommaire matérialise la frontière entre France, Aragon et Catalogne.
Au Pas de l'Escalette, l'itinéraire entre en Espagne pour un long moment, car la HRP ne revient pas en France avant le Port de l'Artigue, près de Mounicou, en Ariège.
Après une brève descente, on remonte au Port de la Picade (2460 m), où l'on rencontre les deux premiers randonneurs du jour. C'est un couple de jeunes Espagnols, partis sans carte pour le Pic de Sauvegarde, et qui sont perdus. Yves est content dès qu'il peut parler en espagnol ou en anglais, pour mettre à profit les cours qu'il prend depuis qu'il est en préretraite.
Etant parvenus sous la couche de nuages, Philippe et Yves retrouvent avec plaisir la vision du Plan des Aigualluts, du gouffre et de la route où ne peut circuler que le bus navette.
L'iris et la colchique annoncent la fin de l'été. Philippe prétend que sa laine polaire est assortie à la teinte des iris !
Aux abords du parking où se termine la route, il y a un bar où il fait bon s'arrêter. C'est maintenant qu'il faut choisir le gîte pour la nuit prochaine. Ce pourrait être logiquement le Refuge de la Rencluse, situé 200 m plus haut. Mais demain matin, il faudrait redescendre ce dénivelé, alors que l'étape, la plus haute de toute la traversée, promet d'être éprouvante.
Sur leur carte, les deux paresseux ont repéré une cabane toute proche du gouffre. Elle y est dénommée "Cabana dera Artiga de Lin". Yves demande des renseignements aux uns et aux autres. La discussion se prolonge. Yves commence à douter de ses maigres connaissances en castillan. En fait, il y a quiproquo, à cause d'une erreur de toponymie sur la carte. Finalement, le chauffeur de la navette confirme qu'il y a bien une cabane métallique à droite du gouffre. Il est donc décidé d'y aller voir.
Le Plan dels Aigualluts est un espace plat, où convergent plusieurs torrents abondants, issus des plus hautes montagnes des Pyrénées. Les eaux y serpentent, se séparent, se réunissent et puis plongent en cascade dans un trou où elles disparaissent progressivement, absorbées par les sables. Ces eaux, qui appartiennent au bassin versant de la Méditerranée iront alimenter la Garonne, dans le bassin versant de l'Atlantique. Une expérience clandestine de coloration des eaux en apporta la preuve en 1931.
Yves et Philippe ont beau connaître les lieux, ils ne se lassent pas d'admirer.
Plus trivialement parlant, ils sont rassurés en découvrant leur futur abri, une petite cabane métallique peinte en vert, perchée de l'autre côté du gouffre.
Mais pour y accéder, il faut traverser le torrent dont la largeur impressionne. Et nos amis savent, pour l'avoir déjà expérimenté, qu'une telle traversée est un double supplice : l'eau est glaciale, et il faut marcher pieds nus sur les cailloux du fond.
Prenant son courage - et ses bâtons - à deux mains, Philippe patauge bravement. Après avoir beaucoup souffert, il s'aperçoit qu'il a laissé … ses chaussettes sur l'autre rive. Heureusement que Yves, le taciturne, est bavard dès qu'il se trouve en montagne. Il est resté faire la causette avec un Anglais qui contemple le paysage. Emportant donc les chaussettes de Philippe, Yves s'élance à son tour, serrant fortement les dents pour ne pas crier.
La minuscule cabane est juchée sur un monticule. Heureusement qu'il n'y a pas d'autre occupant. L'intérieur est des plus sommaires, mais les deux amis sont aguerris.
Un timide rayon de soleil perce les nuages, et aussitôt après, la pluie se met à tomber. Là-bas, près du gouffre, on aperçoit le randonneur anglais qui installe sa tente. Ce poète aurait été mieux inspiré de s'occuper de logistique avant de rêver.
La pluie n'est pas qu'une averse passagère. Elle va durer toute la soirée. Malgré l'austérité des lieux, les deux compères s'estiment chanceux, et ils apprécient d'être à l'abri, au sec. Demain sera un autre jour.