Nous avons choisi la variante "Belagua - Cirque de Lescun" avec bivouac à la source de Marmitou, car cet itinéraire, qui est nouveau pour nous, est aussi plus court.
Une autre raison de ce choix est que nous avons été attirés par la description que Georges Véron en fait : " Cet itinéraire hors goudron, hors piste, et en général hors sentier, se développe dans un fantastique paysage karstique et peut constituer l'étape la plus insolite de toute la traversée. Mais en l'absence d'abri, d'eau, et malgré d'anciens balisages, ce parcours n'est accessible, par temps clair, qu'aux randonneurs très expérimentés".
En fait les balisages étaient toujours là en 2001. Grâce à la peinture et aux cairns, il n'a pas été difficile de trouver sa route. Par contre, en leur absence, l'orientation serait quasi impossible.
Récit de la journée.
Il fait encore nuit lorsque nous quittons discrètement le dortoir du refuge de Belagua. Il n'y a encore personne dans la grande salle du rez-de-chaussée, mais le petit déjeuner nous attend sur un plateau avec une bouteille Thermos pour l'eau chaude.
La veille, nous avons effectué par beau temps le trajet depuis Niort. Notre arrivée vers 17h 30 nous a laissé le temps de reconnaître le départ de notre nouvel itinéraire. Nous avons longuement profité d'une douche chaude, sachant qu'elles sont encore exceptionnelles en montagne. Après le dîner, nous avons partagé le grand dortoir avec des motards italiens et des randonneurs espagnols. Nous avons parlé un peu avec eux tous. En raison du nombre de personnes, la température s'est très vite élevée dans la pièce, ce qui a gâché quelque peu notre sommeil.
Le jour, peu à peu, s'est levé pendant que nous mangions. Nous finissons de préparer nos sacs à l'extérieur, près du véhicule qui va rester sur le parking du refuge pendant les 10 prochains jours.
À 7h30, nous quittons le refuge. Le balisage rouge, vite remplacé par des points jaunes, nous entraîne rapidement dans une hêtraie.
La descente d'étroites combes herbeuses, les passages au milieu de taillis serrés, les remontées courtes mais raides offrent un cheminement varié, sinueux, difficile parfois.
Et la pénombre qui envahit encore les sous bois en cette heure matinale, apporte, en début de cette première journée de randonnée, une sensation de liberté liée à une étrange impression de solitude.
Sur la gauche, entre 2 sapins, on aperçoit encore le refuge de Belagua.
Oui, nous sommes seuls ; perdus dans un indescriptible lapiaz à forte végétation. Les dépressions karstiques se succèdent. Grâce aux cairns et au balisage jaune, nous pouvons poursuivre sans trop de craintes un itinéraire ondulant entre les blocs de rochers, les vallons et les dolines.
Les roches du massif émergent de plus en plus, donnant à certains blocs l'aspect de mastodontes aux longues cannelures creusées par l'érosion.
Depuis ce matin aucune rencontre d'être humain dans un tel labyrinthe de cailloux. Qui viendrait se perdre à remonter des vallons qui se suivent et se ressemblent ? Pas d'animaux non plus, à part quelques lézards et papillons.
Une chaleur rayonnante, qu'aucun vent ne vient rafraîchir, émane des roches chauffées par le soleil.
Un peu avant le Col d'Anaye, nous nous arrêtons à l'ombre d'un pin pour le repas de la mi-journée. Les gourdes, déjà bien entamées, sont rapidement vidées, car nous avons l'espoir de trouver bientôt "la" source.
Le Col d'Anaye, tel qu'on le voit depuis la source.
Après un court repos, nous entamons les derniers mètres qui mènent au Col d'Anaye (2040 m). Ensuite, il n'y a pas long à descendre jusqu'à la cuvette de Marmitou.
Une zone d'éboulis nous oblige quand même à zigzaguer entre les blocs de rochers. Nous trouvons d'abord un abri sous roche bien conservé, puis une ancienne cabane sans toit, et miracle ! un ruisselet d'eau limpide qui sourd des éboulis.
Nous installons nos tentes sur des replats herbeux, proches de la source et dominés par la masse calcaire du Pic d'Anie. Arrivés assez tôt, vers 15 heures, nous avons largement le temps de profiter du soleil, de faire notre toilette et d'aller "visiter" le vallon.
Quelques randonneurs s'en reviennent du Pic des Trois Rois, et passent près des tentes. Rares sont ceux qui s'arrêtent pour dialoguer avec nous.
Grâce à l'aménagement rustique mais pratique d'une ancienne cabane de berger, nous dînons assez confortablement.
À peine avons-nous terminé notre repas qu'un groupe de jeunes, accompagné d'un responsable, arrive de la vallée et s'installe à quelques centaines de mètres de nous, de l'autre côté du ruisseau. Ils veilleront assez tard autour d'un feu, sans faire de bruit. Nous, nous disparaissons vite sous nos tentes pour une nuit de repos bien mérité.
La source de Marmitou
Cachée dans un pierrier au fond d'une vallée
La source de Marmitou, but tant désiré,
Ne cesse de s'écouler claire et abondante.
Le ruisseau qui en part, sur des pentes verdoyantes,
S'en va en contrebas disparaître à jamais.
Le sol trop calcaire est loin d'être parfait.
Oh ! source, si discrète, tu apportes la fraîcheur
Acquise en cheminant au sein des profondeurs.
Car tu viens d'un massif que l'on nomme karstique,
Paysage de lapiez dominé par un pic.
Nous avons bu ton eau sans crainte ni frayeur
De trouver près de toi des gens qu'on dit pollueurs.
Dans nos gorges a coulé le liquide bienfaisant
Pour redonner vigueur à nos corps chancelants.
Déshydratés nous étions, fatigués bien sûr,
Sous le poids des sacs ralentissant notre allure.
Mais ce soir c'est la pause, le calme et la détente,
Après une dure journée de chaleur ardente.
Les tentes sont montées sur des replats herbeux
Dominant le ruisseau serpentant dans un creux.
Et pour nous préparer à un meilleur sommeil,
Les pieds dans le courant et nus sous le soleil,
Nous avons laissé l'eau ruisseler sur nos corps
Pour en éliminer les dépôts de sueur.
L'astre du jour et l'air ont séché notre peau ;
Et dans le gazouillis des nombreuses cascatelles,
Rêvant de la douceur que nous apporte l'eau,
Nous nous sommes endormis la face vers le ciel.