En France, dans la vallée, c'était la canicule, prémices d'un été brûlant. Dans un taxi luxueux, à l'atmosphère climatisée et aux vitres teintées, Philippe et Yves venaient de remonter le cours du Río Garona, la Garonne des Français. Assis confortablement, ils avaient songé à leur retour à pied, un an auparavant quand, dans le brouillard, ils tentaient en vain d'apitoyer les rares automobilistes de passage. Aujourd'hui, tout a été facile, tout s'est passé comme prévu, et ils se retrouvent soudain à respirer l'air pur et doux des montagnes.
Après tant de kilomètres parcourus en voiture depuis ce matin, les deux randonneurs piaffent d'impatience. Ils s'attaquent à la première grimpette de cette 5ème section sans attacher d'importance au poids des sacs.
Le Port de la Bonaigua.
Le Port de la Bonaigua et, à l'intérieur du cercle, le refuge de l'année précédente.
Ils préfèrent se retourner pour observer le paysage du col. L'année précédente, à cause du brouillard, ils n'en avaient rien vu. Leur attention se porte plus particulièrement sur une minuscule cabane, là-bas, car ce n'est pas n'importe quelle cabane, c'est celle qui les abrita un soir de déprime.
Dès la première heure, ils sont dans l'ambiance de la montagne au début de l'été. Les massifs de rhododendrons parsèment des tâches rosées sur les pentes verdoyantes, tandis que les névés encore nombreux sont les vestiges des rigueurs hivernales.
Premier laquet, envahi par la végétation.
Au Col d'Estany Pedó, vue sur l'Estany del Muntanyó d'Arreu.
Première traversée de névé.
Après avoir traversé à flanc le versant sud-est du Muntanyó d'Arreu, …
… ils parviennent sur une crête d'où ils dominent deux lacs, les Estanys supérieurs d'Arreu. De là, la vue s'étend sur la suite du parcours. Toujours hors sentier et sans balisage, ils iront demain matin à l'émissaire du grand lac, et ensuite ils franchiront les deux cols qui sont à gauche de la photo.
Pour l'instant, ils décident de camper sur les bords du premier lac, alors qu'un groupe de randonneurs français s'installe de l'autre côté du lac, hors du champ de vision. Deux heures de marche, c'est bien peu pour cette 31ème étape, mais la journée a quand même été longue.
Le sol est spongieux, les cailloux sont nombreux ; trouver un emplacement pour la tente n'est pas chose facile.
Dans un cadre aussi bucolique, contrastant si fortement avec ce qu'ils avaient connu les jours précédents, les deux compères s'attendent à passer une soirée de rêve. Hélas, à peine le soleil a-t-il disparu derrière la crête qu'une armée de moustiques minuscules s'attaque à eux, leur gâchant le moment du repas, et les obligeant à se réfugier plus tôt que prévu sous leurs tentes.